Les catholiques hors la loi ? De 1901 à 1904, une série de mesures d'exception restreint le droit des congrégations religieuses et finit par leur retirer la liberté d'enseigner. Leurs communautés dissoutes et leurs biens séquestrés, plus de 30000 moines ou sueurs sont contraints à l'exil. Au cours de la même période, le gouvernement ferme 14000 écoles catholiques, multiplie les agressions à l'encontre du clergé, et prive d'avancement les officiers qui vont à la messe. Pourquoi rappeler ces faits ? Cent ans après la séparation de l'Eglise et de l'Etat, il se répète que la laïcité garantit la neutralité publique en matière religieuse. Cette vision est purement rétrospective : de 1879 à 1914, l'anticléricalisme a servi de ciment politique aux partis exerçant le pouvoir, et les catholiques ont été écartés des instances dirigeantes du pays. En 1905, c'est dans un climat où beaucoup ne cachaient pas leur volonté de déchristianiser la France que la loi de Séparation a été imposée sans concertation avec l'Eglise. Aujourd'hui, ce conflit appartient au passé. Mais alors que l'irruption de l'islam a relancé le débat sur la laïcité, de nouvelles questions se posent. Croit-on faciliter l'intégration des musulmans en niant le fait religieux ? Pour assurer la cohésion de notre société, ne vaudrait-il pas mieux nous interroger sur ce que nous avons fait de nos valeurs chrétiennes ?
L'avis de Fred : Un bouquin historique très édifiant et remettant un peu les choses à leurs places, concernant cette période sombre de la IIIe République anticléricale et sectaire, durant laquelle un grand nombre de mesures arbitraires et mesquines ont pesé très lourd (et ont parfois mené à des drames) sur le clergé et la population française très attachée à la religion catholique au début du siècle dernier. Très éclairant, constitué de citations, de déclarations, de réactions, à la fois des hommes politiques et des journaux phares de l'époque, ainsi que des hommes de foi, papes et autres prêtres. Un rappel des faits très minutieux, dates, chiffres, anecdotes - l'auteur nous replaçant très vite et très bien dans le contexte social et politique de l'époque - et puis une dernière partie magistrale intitulée Quand la laïcité ne suffira plus à dire qui nous sommes, que j'ai dévoré, tant les propos m'ont semblé convaincants, pertinents et on ne peut plus pondérés. Cet ouvrage règle la mise au point et atteint parfaitement sa cible.
Je termine avec un passage que j'ai beaucoup aimé, situé vers la fin du livre, et qui est une très fine observation d'Emile Poulat : "L'homme avait une âme, dit-il : il est désormais une conscience. A l'aube du troisième millénaire, les politiques ont à faire vivre en paix non plus deux ou trois religions, mais des myriades de consciences." Et l'auteur d'ajouter : "La laïcité peut-elle suffire à cette exigence ? Question ouverte."